Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/106

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le moment où je serai au bout de mon rouleau… et aucune situation ! C’est affreux ! Je vous assure que je ne dors guère la nuit !

— Il ne faut pas, ma petite Marcelle… ou vous tomberez malade tout à fait…

— Que voulez-vous que je devienne ? Je suis seule… Je n’ai plus de parents… plus d’amis…

— Vous vous trompez, dit le jeune homme, très ému. Je suis là, moi !

Elle leva sur lui ses yeux tout trempés de larmes et esquissa un faible sourire.

— Vous êtes bon, Jean, je vous remercie… Mais vous devez songer à vous, aussi… Allez, la vie est suffisamment difficile pour chacun. On ne peut s’occuper des autres…

— On peut toujours s’occuper des autres…

Il jeta les yeux autour de lui et reprit :

— Mais, dites-moi : avez-vous dîné ?

Elle rougit jusqu’aux oreilles…

— C’est-à-dire que…

— C’est-à-dire que je comprends que non.

— Je vais vous expliquer : je ne fais qu’un seul repas par jour… C’est plus économique… Le soir, on peut très bien se passer de manger…

— Vous croyez ça, vous ?

Il se leva, alla vers la porte.

— Où allez-vous, Jean ?

— Ma petite Marcelle, je n’ai pas dîné moi non plus… Je vais chercher quelques provisions…

— Mais non ! Voyons ! Jean !

L’appel venait trop tard. Il avait déjà ouvert et dégringolait les marches quatre à quatre.

Un quart d’heure après, il revenait, l’air radieux avec quelques paquets.

— Tenez ! fit-il gaiement. Nous allons faire la dînette ! Voilà du pain, une bouteille de vin, du pâté, du saucisson, du boudin… Avec cela, nous ferons un repas de roi !

— Merci ! murmura-t-elle, avec un sourire reconnaissant. Mais il ne fallait pas…