Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/107

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— Comment, il ne fallait pas ? Votre régime d’eau fraîche ne me convient pas du tout, moi ! Tenez : voulez-vous faire frire le boudin ? Pendant ce temps, je mettrai le couvert.

Tandis que la jeune fille s’affairait pour faire cuire leur modeste dîner, Jean, plein de zèle, disposait sur la petite table, deux assiettes, deux fourchettes et deux verres. Il arrangea le pâté d’un côté, le saucisson de l’autre, le pain et le vin. Mais il lui semblait qu’il manquait quelque chose… Il jeta les yeux autour de lui. Parbleu ! il avait trouvé. Pendant que Marcelle faisait rissoler le boudin et tournait le dos, il saisit le pot de bégonia et le déposa au milieu de la table. Puis, il se recula pour juger de l’effet. Cela lui parut très bien.

— Regardez, Marcelle ! s’écria-t-il. N’est-ce pas que j’ai de grandes dispositions pour être maître d’hôtel ?

La jeune fille se détourna et ne put s’empêcher de rire.

— C’est charmant ! Mais croyez-moi : maintenant que nous avons bien admiré le tableau, enlevez-le, car il va nous gêner terriblement et j’apporte le boudin tout chaud !

— C’est dommage ! remarqua Jean. Il faisait un effet délicieux. Mais les ventres affamés préféreront toujours des jouissances plus matérielles aux purs plaisirs de l’œil !

Il enleva le pot et l’assiette qu’apportait Marcelle vînt prendre sa place.

— À table ! s’écria-t-il. Je me sens de taille à dévorer des kilomètres de boudin !

Le caractère joyeux du jeune homme triompha vite des mines soucieuses de sa petite compagne. Pour ce soir, ils mirent de côté leurs préoccupations, et savourèrent sans arrière-pensée leur modeste dîner.

Enfin, vers neuf heures, il fallut se séparer.

— Je reviendrai vous voir, promit Jean. Mais vous, vous ne devez pas jeter le manche après la cognée.

Elle sourit.