Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
LA VILLE AUX ILLUSIONS

cours… Es-tu encore souffrant et prolonges-tu tes vacances ?

— Oui, répondit Jean. Je les prolonge indéfiniment.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Ça veut dire que je les abandonne.

— T’as pas une crevette dans le ciboulot, par hasard ?

— Rassure-toi pour mon ciboulot. Il est vide de toute bestiole. Mais je ne peux plus continuer.

— Voyons ! dit Julien à son tour. Distinguo, comme dit le prof. Ne peux-tu plus, ne dois-tu plus, ou ne veux-plus ? Ce sont les trois déterminations qui s’appellent je ne sais plus comment, en philo…

— Choisis celle que tu voudras !

— Ce n’est pas une réponse…

— Que veux-tu que je te dise ?

— Il y a une raison…

Jean frotta légèrement le bout de l’index contre son pouce.

— Ça !

— La galette ? — Juste !

— T’es brouillé avec ton paternel ? il t’a coupé les vivres ?

— Mon paternel, comme lu dis, est un pauvre diable, et il cultive lui-même ses champs, lu comprends ? Il se saignait aux quatre veines pour moi. J’ai arrête tout cela.

— Pauvre vieux !

— Bah ! qu’est-ce que tu veux ? On ne fait pas tout ce que l’on désire, dans la vie…

— Tu regrettes ?

Il haussa les épaules.

— Pas tant que je le croyais.

— Que fabriques-tu maintenant ? Tu as trouvé un emploi ?

— Je suis garçon livreur à la librairie Bruneau.

Les deux jeunes gens firent un geste de surprise.

— Garçon livreur ?