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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Hé ! oui ! J’ai pris ce que j’ai trouvé…

— Évidemment…

— Enfin, interrompit Julien, tu as bien quelque projet d’avenir ? Tu ne vas pas rester garçon livreur toute ta vie ?

— J’espère que non. Pour l’instant, j’ai ma croûte à peu près assurée. Je n’en demande pas davantage.

— Si tu n’as pas plus d’ambition, remarqua Georges, tu ne feras pas grand’chose.

— On verra les circonstances.

Ils échangèrent quelques banalités, puis les deux étudiants se retirèrent.

— Tout de même ! fit Julien, en descendant l’escalier, j’aurais cru que Gardin avait plus de cran que ça.

Mais Georges secoua la tête.

— Tu veux mon avis ? Eh bien ! il y a une histoire de femme là-dessous !

— Tu crois !

— J’en suis sûr. Il savait très bien, dès le commencement de ses études, ce que ça allait coûter à ses parents, tu penses… S’il a changé d’avis, c’est qu’il y a une raison majeure qui est intervenue, qui a brisé son ressort… Et cette raison-là, c’est une femme ! Crois-en mon expérience !

Ces derniers mois auraient fait sourire quelqu’un de plus averti, si on avait entendu ces propos. Mais, comme Julien avait juste le même âge que Georges, c’est-à-dire dix-neuf ans, cette affirmation fut accueillie de la façon la plus sérieuse.

Dès le lendemain, Jean pensa à donner sa démission de l’École et exécuta son projet sans retard. Ses deux camarades racontèrent la conversation qu’ils avaient eue avec lui à Louis et à quelques autres. On discuta les raisons pour lesquelles Jean Gardin, qui paraissait si bien doué et si « bûcheur » renonçait brusquement à son avenir. Puis, les jours passèrent, et on n’y pensa plus. Il se trouva définitivement rayé de l’École et des souvenirs.

Suivant la promesse qu’il avait faite à Marcelle, il