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LA VILLE AUX ILLUSIONS

partir à Paris. Tu n’as jamais quitté ton trou…

— Comment ! s’écria Jean, offusqué. J’ai fait toutes mes études à Avignon !

L’abbé Murillot se mit à rire.

— Poverol ! Comparer Avignon et Paris, c’est la même chose que si tu mettais la Sorgue et le Rhône sur le même pied ! Tu n’es jamais allé à Paris, hein ? Tu vas arriver dans la grande ville, tout ébaubi, tout innocent, et le premier loup qui passera, crac ! il te mangera !

Et de son poing fermé, le prêtre semblait enfermer le jeune homme dans un destin inéluctable.

— Je ne suis pas né d’hier ! protesta-t-il gaiement. Vraiment, monsieur l’abbé, Paris n’est pas une forêt vierge !

— J’aimerais mieux pour toi qu’il en fût ainsi ! riposta l’abbé tout de go. Paris n’est pas une forêt vierge, non… Mais, on y rencontre quand même une drôle de faune, mon garçon, je te le promets… Et j’ai peur pour toi, peur de ton inexpérience, peur de la bonne foi, peur pour les excellentes qualités que tu possèdes et qui risquent de disparaître là-bas ! Tu seras seul, mon cher petit ; tu te lieras forcément avec des camarades de ton âge ; ceux-ci auront sur toi une bonne ou une mauvaise influence… En général, c’est la mauvaise qui prédomine.

— Je saurai me garder !

— Ta ! ta ! ta ! tu me la bailles belle ! On s’imagine toujours plus fort qu’on est !

— J’aurai mes études et puis, je ne serai pas aussi isolé que vous le pensez…

— Tu as déjà des camarades, là-bas ?

— Non… Mais Monsieur et Mme Fousseret m’ont invité à aller les voir très souvent, et espèrent que je deviendrai un des familiers de la maison… Vous les connaissez ?

— Bien sûr ! Ils ne viennent que quelques mois au pays, mais j’ai eu l’occasion de les rencontrer déjà… Braves gens, je crois…

— Et très riches, monsieur l’abbé. M. Fousseret est