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LA VILLE AUX ILLUSIONS

administrateur dans une grande banque parisienne. Quand ils viennent ici, ils sont toujours très simples, mais il paraît que leur hôtel à Paris est magnifique.

L’abbé sourit avec malice.

— Et te voilà emballé !

— Oh ! non, mais je trouve que c’est bien agréable d’être quelqu’un d’important comme M. Fousseret ! Voyez le beau château qu’il possède ici !

— Si tu crois que tu arriveras à avoir ton château du jour au lendemain.

L’abbé poussa un soupir.

— Enfin, termina-t-il, si tu crois que tu réussiras ! Tu y es donc bien décidé ?

— Tout à fait, monsieur l’abbé.

L’abbé Murillot se leva et marcha jusqu’à l’entrée de la tonnelle. Là, il se campa, les jambes écartées, les mains derrière le dos, et contempla le paysage.

Par-dessus la haie de clématites et d’églantines, on dominait la campagne voisine, où le soleil se couchait. La terre semblait vêtue d’un habit d’arlequin. Les rectangles bruns de la lettre labourée alternaient ave les parties encore couvertes de chaume, et qui apparaissaient toutes dorées sous les derniers feux du ciel. Des boqueteaux érigeaient çà et là leur masse irrégulière, piquant le vert émeraude des prés et des vignes. Tout au loin, la ligne de la forêt se silhouettait sur la ligne d’horizon, et de grandes écharpes mauves et roses tissées d’or balayaient le ciel. Un souffle vif, une brise allègre et saine emplissait les poumons et donnait la joie de vivre… L’abbé regarda l’espace, rabaissa les yeux sur la terre, puis étendit le bras.

— Regarde-ça ! fit-il en se tournant vers Jean qui était venu près de lui et le regardait aussi. Ne trouves-tu pas cela magnifique ? Crois-tu que c’est dans ton Paris que tu auras des spectacles pareils ?

Le jeune homme sourit.

— Ce ne doit pas être le même genre.

— Il n’y a rien de plus beau que la nature.