Page:Bernède - La Ville aux illusions, 1936.djvu/120

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— Ci : trente francs, inscrivit Jean sur un papier qu’il avait tiré de sa poche.

— Mon loyer…

— Cent vingt francs…

— Mon entretien… Mettons vingt francs…

— Ce n’est pas trop !

— Mes métros pour aller chercher l’ouvrage tous les matins et le reporter tous les soirs…

— Deux fois quatorze, vingt-huit ; trente fois un franc quarante, ça fait… ça fait… quarante-deux francs… Total : deux cent douze francs… mettons deux cent vingt, car il vous faut tout de même un minimum d’argent de poche… il restera deux cent trente francs pour la nourriture…

Marcelle avait pris son menton dans ses mains, l’air songeur…

— Ce n’est pas beaucoup ! conclut-elle, enfin. Ça ne fait que sept francs cinquante environ par jour…

— Dites que c’est notoirement insuffisant… Tout juste de quoi ne pas mourir de faim !

— Je ferai la cuisine ici ; ça me reviendra assez bon marché…

— C’est un régime de carême ! fit Jean, soucieux. Ma pauvre petite, vous n’y tiendrez pas…

Elle eut un geste las.

— Que voulez-vous, Jean ! Je n’ai pas le choix ! Vous ne pouvez continuer à me nourrir, vous, avec ce que vous gagnez chez votre patron !

— Je suis un homme ; j’ai plus de résistance…

— Vous avez justement meilleur appétit que moi encore, sûrement !

Le jeune homme, à son tour, semblait méditer. Enfin, il redressa brusquement la tête.

— Écoutez, Marcelle, dit-il. Cette situation-là ne peut pas durer…

Elle ouvrit de grands yeux étonnés…

— Quelle situation ?

— Cette vie, si vous préférez… Comment ! vous allez gagner quatre cents francs par mois ! Moi, je n’arrive qu’à en réaliser cinq cents ! Allons-nous