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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Ne vous dérangez pas… Je suis venu te serrer la main avant que tu nous quittes…

— Vous êtes bien aimable, monsieur l’abbé… Asseyez-vous… Un coup de vin blanc ?

— Pour ne pas te refuser encore ! Alors, te voilà prêt au départ ?

— Ma foi ! presque !

— Bah ! dans un an, tu reviendras !

— Bien sûr ! Et puis, il y a les permissions. Oh ! vous savez, je ne prends pas la chose au tragique !

— Parbleu ! Et la ferme ?

— La ferme va ! Père va reprendre la direction… Ensuite, dame, à mon retour, il pourra faire le rentier !

— Alors, tu es toujours content d’être revenu ?

Le visage du jeune homme s’épanouit.

— Monsieur l’abbé, c’est surtout grâce à vous que je suis ici… Vous m’avez ouvert les yeux…

— J’étais bien sûr que tu reviendrais, mon gars… La ville n’est pas faite pour toi, ni toi pour la ville ! Ne respire-t-on pas mieux, ici ?

L’abbé s’arrêta devant la grande porte, d’où l’on découvrait l’immense étendue bigarrée des champs, et où fumait une légère vapeur matinale.

— Regarde-moi ça ! poursuivit-il. N’est-ce pas beau ? Ah ! mon petit ! Je plains de tout mon cœur les pauvres humains que leur destinée force à rester emprisonnés toute leur vie dans ces nouvelles cages de pierre qu’on appelle bureaux… L’homme n’est pas un animal créé pour vivre prisonnier… mais au milieu de la libre nature du Bon Dieu !

À cet instant, le père Gardin entra :

— Bonjour, monsieur l’abbé ! dit-il en enlevant sa casquette. Je viens chercher mon fieu ! Faut partir !

— Allons ! dit Jean. Je ne dois pas manquer le train…

Il se coiffa de son chapeau, préparé sur la table avec le pardessus, saisit sa valise et embrassa sa mère tendrement. Marcelle avait disparu.