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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Ils restèrent silencieux un moment, chacun poursuivant sa pensée, le prêtre les yeux fixés sur la splendeur de ce crépuscule méridional, et Jean poursuivant peut-être quelque rêve d’avenir.

Le premier, celui-ci reprit la parole.

— Je me sauve, monsieur l’abbé… Il se fait tard.

— Je ne te retiens pas, mon petit… Je te reverrai avant que tu t’en ailles ?

— Oh ! sûrement ! Il y a encore presque quinze jours…

— Cela passera vite… Enfin ! J’espère que tu t’habitueras très vite et très bien à cette nouvelle vie d’étudiant… Je le souhaite pour toi…

— Mais vous ne l’espérez pas ? interrogea le jeune homme avec une pointe de malice.

— Je le voudrais, je t’assure, mon petit gars… Mais si tu savais comme la grand’ville est décevante, parfois ! Tu n’oublieras pas ceux de Gréoux ?

— Non, bien sûr !

Ils échangèrent une vigoureuse poignée de mains.

— Allons, au revoir… Viens de préférence dans la soirée : c’est le moment où je suis le plus libre…

— Entendu, monsieur l’abbé !

Il sortit.

— Donne le bonjour à tes parents, de ma part ! cria l’abbé Murillot par-dessus la haie.

Il retourna à ses salades, tout songeur, tandis que Jean reprenait le sentier qu’il avait suivi en venant.

Jean Gardin avait eu dix-sept ans au début du printemps. C’était un grand et solide garçon, qui en paraissait vingt-cinq, éclatant de santé, sans lourdeur, cependant. L’étude avait affiné et spiritualisé ses traits. Très brun, des yeux noirs, vifs et caressants, il pouvait passer, même devant des yeux difficiles, pour joli garçon. Il avait le type des habitants de la Provence. C’était un jeune gars, musclé et solide, doré par le soleil du midi, auquel un sac de cent kilos n’aurait pas fait peur. Mais, depuis sa plus petite enfance, il avait manifesté pour l’étude une prédilection non dissimulée, et les parents, enchantés