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LA VILLE AUX ILLUSIONS

CHAPITRE II


Les premiers jours furent pour Jean un perpétuel étonnement. Comme lui avait dit l’abbé Murillot, on ne pouvait pas plus comparer Avignon à Paris que la microscopique rivière de la Sorgue au Rhône ! Mais le jeune homme s’habitua très vite. Il alla prendre ses inscriptions à l’École de Droit. Puis les cours commencèrent. Il se trouva plongé dans cette vie du Quartier Latin, si tumultueuse, si passionnée…

Il resta quelques jours à l’hôtel des Deux-Couronnes : juste le temps de trouver, non loin de l’École, une chambrette, située au sixième étage. C’était une très modeste pièce, un de ces logements d’étudiant, nichés sous les toits, qui s’ouvrent sur un monde de gouttières et vous permettent d’étudier et de fréquenter de la meilleure façon la société des moineaux.

Il avait pris contact avec ses nouveaux camarades. Les premiers jours, ses manières gauches et son accent lui avaient valu quelques quolibets. Mais il eut tôt fait de trouver le moyen de se faire respecter, et bientôt, à mesure que lui s’habituait à cette ambiance nouvelle, ses compagnons s’accoutumaient à lui et le trouvaient moins drôle que les premiers jours.

Bientôt même, il devint plus intime avec deux ou trois d’entre eux, Julien Bossier était un grand garçon blond et flegmatique, qui affectait le genre anglais. Ses parents étaient des usiniers du Nord. Louis Lassale était un petit bonhomme vif et pétulant, aux cinglantes réparties, qui lui faisaient prédire pour l’avenir d’éclatants succès dans la carrière qu’il s’était choisie. Georges Morin, lui, était le dandy de la jeune troupe. Il choisissait avec soin ses cravates, avait toujours sur lui un peigne et un petit