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LA VILLE AUX ILLUSIONS

lequel s’étalait une épaisse chaîne d’or. Il était presque chauve et son crâne reluisait sous un rayon (le soleil qui venait insolemment s’y percher. Mais la figure poupine et rouge était bonasse, et un lorgnon, juché sur un nez un peu trop fort, restait en équilibre instable, ce qui l’obligeait à le réajuster à chaque instant, et donnait instinctivement envie de rire.

Au fond, le meilleur homme du monde et qui n’aurait pas, comme on dit, fait du mal à une mouche.

Il s’avança vers son visiteur, les mains tendues, un sourire béat élargissant sa bouche.

— Hé ! c’est donc vous, mon cher enfant ? Que je suis heureux de vous voir ! Vous voici à Paris ? Vous y plaisez-vous ? Et vos bons parents, comment vont-ils ? Cette excellente Mme Gardin fuit-elle toujours ses exquis petits fromages ? Mais, asseyez-vous et racontez-moi tout cela !

Mis à l’aise par cette familiarité bon enfant, Jean sentit tout de suite s’envoler sa gêne et ce fut sans nul embarras qu’il raconta au châtelain comment il était parti pour Paris, et ce qu’i ! y avait déjà fait.

— Vous avez commencé vos cours ?

— Oui, Monsieur.

— Ça vous plaît, le droit ?

— Beaucoup !

— Bravo ! Moi, je n’y ai jamais compris goutte, et je me ferais rouler comme un enfant si je n’avais pris soin de me munir d’un excellent homme de loi, qui est mon Égérie… Mais ce n’est pas tout cela : vous connaissez, je crois, ma femme et ma fille ?

Jean rougit.

— Un peu Madame Fousseret… Mais, Mademoiselle Fousseret, je ne le crois pas…

Le financier se frappa le front.

— Que je suis bâte ! Voici plus de cinq ans qu’Arlette ne vient plus à Gréoux… Elle s’y ennuyait beaucoup, alors, elle préférait aller passer ses vacances chez une de ses tantes, qui a une villa à Biarritz… C’était plus gai, plus jeune… Voulez-vous m’excuser