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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Les marronniers avaient des feuilles d’or roux qui chantaient sous la moindre brise. Jean respira profondément : il croyait encore sentir dans ses narines ces parfums multiples de l’arrière-saison que la campagne prodigue : odeur des faînes et des glands, des noix et des fruits d’hiver ; senteurs de la terre grasse qui s’ouvre sous le soc et cette mélancolie éparse sur toutes choses, sur laquelle s’étend un ciel d’un bleu pâli, tandis que dans l’espace déserté passent seuls les triangles des canards sauvages et le vol lourd des premiers corbeaux.

Il avait particulièrement soigné sa toilette ; maintenant, d’un pied alerte, il traversait la place de la Concorde et reprenait la grande avenue des Champs-Élysées.

Le trajet lui parut court, car son esprit était tout occupé par ceux qu’il allait retrouver. Décidément, il devait s’avouer que Mlle Fousseret avait produit sur son esprit une forte impression… À cette idée, il haussa les épaules : pour les richissimes châtelains de Gréoux, il n’était, ainsi que le financier lui avait dit, lors de sa première visite, qu’un petit gamin mal débarbouillé, le fils de leur fermière… celui qui leur apportait les fromages !

Mais, quand on a dix-sept ans, que le soleil brille et qu’on a le cœur en fête, on ne s’attarde pas trop longtemps aux considérations décourageantes. Aussi, fût-ce d’un coup décidé qu’il sonna à la porte de l’hôtel des Fousseret.

Le même grand valet vint lui ouvrir. Mais il avait dû s’apercevoir déjà de l’amitié qu’on témoignait au jeune homme dans la maison, car son attitude marquait une considération nouvelle.

Jean fui introduit dans le petit salon aux dorures compliquées. Presque aussitôt, la porte s’ouvrit et Arlette parut.

Elle s’avança d’un pas vif vers le jeune homme et lui tendit une main cordiale.

— Comment allez-vous ? dit-elle en souriant.

— Très bien ! Et vous ?