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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Oui… Parce qu’il paraît qu’il faut un smoking et je n’en ai pas !

— Diable ! C’est indispensable, en effet… Mais, tu as encore le temps d’en acheter un…

Il fit un geste nerveux :

— Tu ne comprends donc pas ? fit-il, enfin, sacrifiant le mutisme orgueilleux dans lequel il s’était tenu jusque là vis-à-vis de ses camarades au sujet de sa bourse. Papa ne me fait que six cents francs de pension par mois, et je dois payer avec cela mon logement et ma nourriture… Où veux-tu que je trouve l’argent nécessaire pour acheter un costume ?

Georges parut un peu étonné. Mais il comprit tout de suite, ou du moins, crut comprendre.

— Parbleu ! Ton père ne se ruine pas, mon pauvre ami… Mais tu sais, tu peux quand même te procurer ce que tu veux… pour un soir, du moins… Tu n’as qu’à louer ton smoking…

— On loue ça ?

— Pourquoi pas ? Je peux même te donner une adresse, si tu y tiens…

Il fouilla dans sa poche, en tira un bout de papier blanc et y griffonna quelque chose avec son stylo.

— Tiens ! fit-il, en lui tendant le chiffon. C’est au Coq du Village, 3, rue Suger. Tu trouveras là sûrement ce qu’il le faut.

Jean le prit et l’enferma précieusement. Puis, il serra affectueusement la main de son camarade :

— Mon vieux, tu m’as rendu là un fameux service ! Sans toi, je me demande comment je me serais débrouillé !

L’autre haussa les épaules en riant :

— Bah ! Ce sont des petits renseignements qu’on se passe volontiers entre copains… À ton service, si tu as besoin de mon expérience pour d’autres choses !

Ils grimpèrent l’escalier et entrèrent dans la salle où avaient lieu les cours.

Dès qu’il fut libre, Jean se précipita à l’adresse