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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Parbleu ! pensa-t-il avec rage. C’est ce petit freluquet qui l’occupe. Il avait bien besoin de venir, celui-là !

Aussi, le soir, lorsqu’il se sépara des Fousseret et qu’elle lui demanda mollement :

— Venez-vous au Vernissage, demain ?

Il répondit sèchement :

— Non. Impossible. J’ai un cours.

— Voyons, mon enfant ! intervint M. Fousseret. Il ne faut pas accaparer M. Gardin… Il a ses études, aussi, et ne dispose pas de tout son temps, comme toi !

Il resta quelque temps sans retourner chez les Fousseret. Il redoutait de revoir le vicomte. Et puis, il avait fait une autre découverte qui l’avait comblé à la fois de joie et de consternation : il ne pouvait plus se dissimuler qu’il aimait Arlette.

— Puisque j’ai tant souffert lorsque j’ai vu Arlette prêter à cet homme une attention somme toute quelconque, c’est que je suis jaloux, s’était-il dit. Et si je suis jaloux, c’est que je l’aime !

Il avait profondément réfléchi à cette nouvelle situation. La raison n’avait pas été longue à lui conseiller le parti qu’il devait prendre : abandonner les Fousseret, ne plus jamais remettre les pieds à l’hôtel de l’avenue Hoche et ne plus se trouver en présence de la jeune fille…

Il tint bon pendant quinze jours. Le seizième jour, alors qu’il passait devant la loge de sa concierge, celle-ci l’appela :

— Hé ! m’sieur Gardin ! Il y a une lettre pour vous !

Il s’arrêta net. Ses vieux ne lui écrivaient qu’une fois par mois et il avait reçu de leurs nouvelles trois jours avant.

La pipelette revenait déjà et lui tendait une étroite enveloppe crème d’où s’exhalait un léger parfum.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? songea-t-il en la décachetant.

Ses yeux coururent à la signature. C’était d’Arlette.