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LA VILLE AUX ILLUSIONS

Ce régime de douche écossaise anéantit le jeune homme. Il passe du plus profond désespoir au bonheur le plus fou. Elle l’aime ? Elle ne l’aime pas ?

Quand il sort de l’hôtel de l’avenue Hoche, il se sent moralement brisé. Cette Arlette, avec sa coquetterie féroce, affolerait de plus expérimentés que ce naïf garçon de dix-huit ans… Et parce qu’il n’est qu’un pauvre pantin entre les doigts roses de cette capricieuse poupée, il croit, malgré tout, que le bonheur est là…


CHAPITRE V


Suivant la promesse qu’il avait faite à la jeune fille, il resta avec ses amis jusqu’à une heure et demie. Un brouhaha élégant emplissait la salle du cabaret du Chat-qui-pêche, l’endroit à la mode, où, sur l’enseigne, était représenté un énorme chat à la face hilare, coiffé d’un chapeau de mousquetaire, et tenant une ligne entre ses pattes. Toutes les tables avaient été retenues à prix d’or. On payait le quart de poulet vingt francs, la bouteille de champagne deux cents, et la coupe de fruits, cent cinquante. On remarquait dans l’assistance quelques vedettes en vogue, le propriétaire d’une écurie fameuse, un peintre créateur d’une nouvelle école qui faisait fureur, et le dernier Prix Goncourt. Arlette, dans ce milieu qui flattait ses goûts dispendieux et un peu extravagants, semblait radieuse, et répondait avec entrain aux serpentins et aux balles de papier multicolores que des fêtards voisins lui envoyaient au plus grand déplaisir de Jean.

Quelques amis étaient ensuite venus les rejoindre, entre autres le fameux vicomte des Aubrays, plus sélect que jamais, le monocle vissé dans l’orbite,