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LA VILLE AUX ILLUSIONS

accompagné de l’inévitable Peyronnet, qui arborait à sa chemise des diamants gros comme des noisettes.

On s’était mis à danser. Bernard des Aubrays avait invité la jeune fille pour un tango. Rageur, mais n’en voulant rien laisser voir, il contemplait le couple, évoluant avec grâce et aisance au milieu des autres danseurs. Et Léonce Peyronnet, qui ne perdait jamais l’occasion de placer une gaffe, s’était penché vers lui en murmurant :

— Croyez-vous qu’ils font un joli couple, tous les deux ?

— Il est trop vieux pour elle, répondit sèchement Jean.

L’autre, qui avait dix ans de plus encore, resta bouche bée, le regarda avec effarement, puis, se tournant vers Mme Fousseret, qui était sa voisine, ne lui adressa plus la parole de la soirée.

Mais Jean n’en avait cure.

Arlette revint enfin, riant comme une petite folle.

— Oh ! ce tango ! s’exclama-t-elle en vidant sa coupe de champagne. Il me semblait que je ne touchais plus la terre… Bernard, mon cher, vous êtes un danseur unique !

Jean se pinça les lèvres. Dès que l’orchestre attaqua la suivante, il se leva et invita la jeune fille.

— Oh ! je ne sais si je dois… minauda-t-elle. Je me sens fatiguée…

— Si vous êtes fatiguée, Arlette, reposez-vous ! conseilla le vicomte. Tenez ! croquez, cette pêche ; elle sera délicieuse !

Elle lui jeta un rapide coup d’œil, puis se retourna vers Jean.

— Non, merci… J’ai réfléchi ; j’aime mieux danser.

Et, au nez de l’autre, l’étudiant, ravi, entraîna sa partenaire. Ils commencèrent à tourner une valse.

— Merci ! murmura-t-il, incapable de contenir sa gratitude.

Elle leva la tête, étonnée. Leurs visages se trouvèrent si près l’un de l’autre que leurs joues se frôlèrent