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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Merci de quoi ?

— De… d’avoir bien voulu danser malgré le vicomte des Aubrays.

— Vous avez tort de me remercier ! Ce n’est pas pour vous que je l’ai fait, mais pour moi. D’abord, parce que je déteste que quelqu’un ait l’air de m’imposer sa volonté. Ensuite, parce que j’avais changé d’avis et que danser avec vous me plaisait.

— Comme vous êtes gentille !

Elle éclata de rire.

— Vous n’êtes tout de même pas difficile, allons ! Mais je vous en prie, faites attention à la mesure. Bernard danse dix fois mieux que vous.

Une fois de plus, l’enthousiasme du pauvre garçon se trouva douché. Il resta froid et muet, s’attachant à tourner régulièrement.

La musique s’arrêta. Des « bis » éclatèrent.

— Dois-je vous ramener à votre place ? questionna-t-il.

Elle leva vers lui son petit museau fardé.

— Pourquoi ? Vous êtes fatigué ?

— Pas du tout ! Mais puisque je ne danse pas comme cet incomparable aristocrate…

Elle haussa les épaules.

— Ça y est ! Vous voilà encore jaloux ! je déteste ça ! Bernard est mon camarade, vous le savez bien.

— Et moi ? fit-il, d’un ton sec, en recommençant à glisser.

Elle se serra davantage contre lui, câline comme une chatte.

— Oh ! vous, vous êtes mon grand ami… Jean… Ce n’est pas la même chose !

II sentit une onde brûlante lui courir dans les veines. En même temps, une idée s’implantait dans son cerveau douloureux :

Elle me rendra fou !

Hélas ! le pauvre garçon l’était déjà ! La maligne s’en apercevait bien et en abusait.

Lorsqu’il partit, elle lui lança un sourire ensorceleur, qui devait réchauffer le cœur de l’étudiant long-