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LA VILLE AUX ILLUSIONS

étrangers, allez ! Je sens bien que je gêne.

— Pourtant, vous gagnez votre vie…

— Naturellement… Mais, pour eux, je suis l’étrangère, l’intruse, vous comprenez… D’ailleurs, en sortant de l’hôpital, je louerai une petite chambre par là… Je ne veux pas recommencer la vie que j’ai menée jusqu’à présent… Ils déménagent… Mon oncle prend un débit de vins en banlieue à Bois-Colombes… Ce ne serait pas commode, non plus, pour aller à mon travail…

Elle s’interrompit.

— Bah ! Laissons cela ! Ce n’est pas intéressant ! Dites-moi plutôt votre nom, à votre tour, que je ne connais pas encore !

— Je m’appelle Jean Gardin.

— Oh ! le petit Jean qui venait chercher un sucre d’orge chez nous chaque fois qu’il avait eu une image à l’école et qu’on lui avait donné deux sous ! Je me souviens bien de vous ! Par exemple, vous n’avez plus vos grosses joues rondes d’autrefois !

— Je l’espère bien ! répondit-il en riant. Quel âge avais-je à ce moment-là ?

Ils cherchèrent ensemble.

— Neuf ans, dit Marcelle.

— Un peu plus… Dix ans, je crois…

— C’est bien possible !

Ce jour-là, le tricot n’avança guère. Mais quand l’infirmière vint rappeler aux deux jeunes gens qu’il était temps pour eux de regagner leur salle respective, Jean s’aperçut avec étonnement que, cette fois, les heures avaient passé avec une vertigineuse rapidité…


CHAPITRE VI


Dès lors, la vie d’hôpital parut moins longue et moins terriblement triste au jeune étudiant.

Chaque jour, on installait les deux convalescents dans la grande galerie ensoleillée. Jean allait faire