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LA VILLE AUX ILLUSIONS

— Tant mieux ! Je suis très forte, vous savez ! j’arrive à sténographier cent trente mots à la minute…

Ces chiffres ne disaient rien du tout à Jean. Cependant, il s’exclama poliment. Puis, il ajouta, en regardant le ciel :

— Il me semble que le ciel se couvre, et que l’air fraîchit. Voulez-vous que je vous aide à rentrer ?

— Si vous voulez…

Elle se mit péniblement debout, et s’appuya sur le bras du jeune homme. Comme elle pesait peu ! Il pensa à un petit oiseau… un petit oiseau blessé, qui s’avançait en boitillant.

— Ne trouvez-vous pas que j’ai une jolie allure ? dit-elle en riant.

— Bah ! Dans huit jours, vous courrez comme un lapin !

Ils rentrèrent et rencontrèrent l’infirmière qui se disposait précisément à aller chercher sa jeune malade.

— Alors, petite Marcelle, dit le jeune étudiant, au moment où ils allaient se séparer, au revoir ! J’attends un mot de vous qui me fixera sur le choix de votre nouveau domicile…

— C’est cela ! répondit-elle bravement.

Elle poussa un soupir que Jean n’entendit pas, et retourna s’étendre, en pensant que jusqu’à sa sortie de l’hôpital, les journées allaient lui paraître bien longues et bien monotones…

Si l’étudiant n’avait pas été absorbé par la pensée de sa brillante amie des premiers jours, il aurait vite compris que la petite dactylographe avait trouvé, dans leur reconnaissance, autre chose qu’un simple sentiment d’amitié.

Elle était seule… Depuis longtemps déjà, elle ne sentait autour d’elle qu’indifférence et ennui… De plus, Jean était son « pays », celui avec lequel on a joué ensemble tout petit, qui a les mêmes souvenirs que vous, les mêmes visages qui peuplent la mémoire