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LA VILLE AUX ILLUSIONS

des vêtements modestes qui convenaient à sa condition et pouvait mieux se nourrir. Petit à petit, il reprenait des forces et se sentait aussi solide qu’avant sa maladie.

Enfin, il finit par découvrir un emploi. Oh ! bien modeste, en vérité !

Il avait entendu dire, par le patron du restaurant où il prenait ses repas, qu’une grosse maison de librairie du quartier recherchait un garçon livreur. Il s’y présenta.

Son air ouvert et franc, son aspect robuste séduisirent le patron. Il fut agréé, aux appointements mensuels de cinq cents francs.

Il commença aussitôt son nouveau métier, qui ne lui parut pas trop désagréable d’abord. Ses fonctions consistaient à monter à côté du chauffeur et à transporter les ballots de livres et de papeterie aux adresses dont il avait la liste.

Mais ces continuelles randonnées à travers le brouhaha de Paris lui cassaient la tête… Du matin au soir, il fallait marcher, par la pluie, le froid ou le gel, quand le vent vous coupait la figure et vous gelait les doigts…

Son habituel camarade, le chauffeur, était un brave garçon, malheureusement, il professait pour les apéritifs, un penchant aussi vif qu’exagéré. Bien souvent, Jean trembla en le voyant remonter sur son siège, après une halte dans quelque bistro. Heureusement, Muchet était bon chauffeur, et conduisait instinctivement, sinon plus d’une fois le camion de livraison serait entré en collision avec un obstacle quelconque.

Les premiers jours, il avait tenté d’inutiles efforts pour entraîner son compagnon.

— Viens donc ! ça te réchauffera et ça tuera le ver !

Il avait accepté à quelques reprises. Puis, comme il ne pouvait laisser payer continuellement Muchet, et qu’il fallait bien rendre la politesse, il trouva stupide au bout du compte, de gaspiller son argent pour s’abîmer l’estomac. Et comme il l’avait fait autrefois