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D’UN CURÉ DE CAMPAGNE

là. Ça n’est pas son idée que nous causions, il m’avait bien recommandé en partant de vous dire que j’étais une voisine. » Elle s’est assise sur une chaise basse. — « Vous devez avoir bien mauvaise opinion de moi, la chambre n’est même pas faite, tout est sale. C’est que je pars au travail le matin très tôt, à cinq heures. Et je ne suis pas non plus bien forte, comme vous voyez… » — « Vous êtes infirmière ? » — « Infirmière ? Pensez-vous ! J’étais fille de salle, là-bas, au sana, quand j’ai rencontré M… Mais ça vous étonne sans doute, que je l’appelle M. Louis, puisque nous sommes ensemble ? » Elle a baissé la tête, feignant de refaire les plis de sa pauvre jupe. — « Il ne voit plus aucun de ses anciens… de ses… enfin de ses anciens camarades, quoi ! Vous êtes le premier. D’une manière, je me rends bien compte que je ne suis pas faite pour lui. Seulement, que voulez-vous, au sana, il s’est cru guéri, il s’est fait des idées. Question religion, je ne vois pas de mal à vivre mari et femme, mais il avait promis, paraît-il, pas vrai ? Une promesse est une promesse. N’importe ! à l’époque, je ne pouvais pas lui causer d’une chose pareille d’autant plus que… excusez… je l’aimais. »

Elle a prononcé le mot si tristement que je n’ai su que répondre. Nous avons rougi tous les deux.

« Il y avait une autre raison. Un homme instruit comme lui, ça n’est pas facile à soigner, il en sait autant que le docteur, il