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L’IMPOSTURE

— Voulez-vous vous taire ! supplia l’évêque de Paumiers au désespoir. Vous êtes fou, mon enfant ! Vous êtes dans un état d’énervement… d’exaspération… Le moindre mot a sur vous un retentissement ! Je vous conjure ; n’interprétez pas, écoutez simplement. On vous sent prêt à tout, affolé. Je craignais pour vous une déception… M. l’abbé Cénabre est froid, très froid (en apparence, du moins)… peu sensible — enfin ! il me semble ! — à une infortune comme la vôtre. Voilà tout.

— C’en est assez, dit Pernichon, glacial. J’ai compris.

— Non ! vous n’avez pas compris. Votre plaie est encore si vive ! Quelle plaie ! N’en avez-vous qu’une ? Je crains que, pareil à ces blessés, qui, sous le choc, ne savent dire où ils ont mal, vous ne soyez pas capable en ce moment de renseigner sur votre véritable état qui que ce soit, et surtout mon illustre confrère… Enfin, il me semble que vous souffrez d’abord dans votre juste et légitime ambition, mais vous souffrez aussi dans votre conscience. Votre conscience est troublée, conclut-il d’un air fin.

Ils traversèrent le boulevard Saint-Germain en silence.

— Ne parlons plus de ce mouvement de révolte, des paroles insensées… Oui, oublions-les ! Je n’y reviens pas. Dès ce soir, vous en demanderez pardon à Dieu… Voyez-vous, mon cher enfant, il n’est qu’au ciel que Dieu soit servi par des anges, de purs esprits. Nous devons tenir compte ici-bas de certaines nécessités sociales, politiques… Sur ce point, je suis tenu à une grande réserve, je pèse les mots, mais enfin ! Une