Page:Bernanos - La France contre les robots.djvu/169

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mes, sur le trottoir, sans même prendre la peine de s’essuyer les mains. Mais voulez-vous que je vous dise ? Ce qui me fait précisément désespérer de l’avenir, c’est que l’écartèlement, l’écorchement, la dilacération de plusieurs milliers d’innocents soit une besogne dont un gentleman peut venir à bout sans salir ses manchettes, ni même son imagination. N’eût-il éventré dans sa vie qu’une seule femme grosse et cette femme fût-elle une Indienne, le compagnon de Pizarro la voyait sans doute parfois reparaître désagréablement dans ses rêves. Le gentleman, lui, n’a rien vu, rien entendu, il n’a touché à rien — c’est la Machine qui a tout fait ; la conscience du gentleman est correcte, sa mémoire s’est seulement enrichie de quelques souvenirs sportifs, dont il régalera, au dodo, « la femme de sa vie », ou celle avec laquelle il trompe « la femme de sa vie ». Comprenez-vous maintenant, imbéciles ? Comprenez-vous que ce n’est pas le massacre de milliers d’innocents