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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/100

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III

Je n’entreprendrai pas de justifier par des raisons les pages qui vont suivre et moins encore le sentiment qui me pousse à les écrire. Une fois de plus, mais cette fois plus que jamais, je parlerai mon langage, assuré qu’il ne sera entendu que de ceux qui le parlent avec moi, qui le parlaient bien avant qu’ils ne m’eussent lu, qui le parleront lorsque je ne serai plus, lorsque la fragile mémoire de moi-même et de mes livres sera depuis longtemps tombée dans l’oubli. Ceux-là seuls m’importent. Je ne dédaigne pas les autres. Bien loin de les dédaigner, je souhaiterais mieux les comprendre, car comprendre c’est déjà aimer. Ce qui sépare entre eux les êtres, ce qui les fait ennemis, n’a peut-être aucune réalité profonde. Les différences sur lesquelles travaillent à vide notre expérience et notre jugement se dissiperaient comme des songes si nous pouvions lever sur elles un regard assez libre, car la pire de nos infortunes c’est de ne pouvoir donner à autrui qu’une image de nous-mêmes aussi pauvre, où l’oreille exercée découvre les zones d’un affreux silence. J’écris ces nouveaux chapitres de la