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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/180

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LES GRANDS CIMETIÈRES

la grimace devant quelques milliers de morts de plus ou de moins. Au nom de quels scrupules ? Il a plu jadis au Saint-Siège d’autoriser les prêtres à taquiner les mitrailleuses, et je serais bien imprudent d’y trouver à redire bien que les défilés de la Drac, à ne vous rien cacher, me laissent parfois un peu rêveur. D’ailleurs personne ne me demande là-dessus mon avis, et peut-être arriverait-il trop tard. Puisque le R. P. Janvier se trouve d’accord avec M. Paul Claudel pour donner en exemple aux petits garçons de notre pays la Croisade du général Franco, — après avoir prêté nos prêtres à la Guerre Laïque de la Justice et du droit, vous n’aurez tout de même pas le cœur de les refuser à l’Autre, non ? Nous retrouverons donc sans doute prochainement l’occasion de reparler de cela entre nous, — entre Français.

Je pense que la Croisade espagnole est une farce, qu’elle dresse l’une contre l’autre deux mêlées partisanes qui s’étaient déjà vainement affrontées sur le plan électoral, et qui s’affronteront toujours en vain parce qu’elles ne savent pas ce qu’elles veulent, qu’elles exploitent la force faute de savoir s’en servir. Derrière le général Franco on retrouve les mêmes gens qui se sont montrés également incapables de servir une Monarchie qu’ils ont finalement trahie, ou d’organiser une République qu’ils avaient largement contribué à faire, les mêmes gens — c’est-à-dire les mêmes intérêts ennemis, un instant fédérés par l’or et les baïonnettes de l’étranger. C’est