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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/191

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SOUS LA LUNE

son chemin parmi ces animaux sauvages, ainsi qu’un homme prudent traverse une prairie où des taureaux ruminent tranquillement au soleil, pleins d’impénétrables desseins. D’ailleurs en face d’une situation dangereuse, on peut toujours jouer les aveugles ou les imbéciles. Je ne perdrais certes pas mon temps à qualifier l’attitude des prélats italiens au cours de la guerre d’Éthiopie. Leur conception personnelle du respect du traité, des lois de la guerre, ne saurait m’engager moi-même, soit comme chrétien, soit comme soldat. Cela suffit. Grâce aux diffuseurs d’huile ypéritée employés en Australie pour la destruction des rongeurs, l’aviation fasciste a pu priver de leur peau des populations entières de pauvres nègres qui bourgeonnaient et pourrissaient en tas devant leurs cases, pêle-mêle avec leurs bestiaux ; si les prélats italiens déclarent qu’une telle guerre leur paraît chevaleresque, que diable voulez-vous que ça me fasse ? Je crois savoir ce qui est chevaleresque ou non, mais en cas de doute, je n’aurais certainement jamais l’idée de prendre pour arbitre un ecclésiastique italien. Jusqu’à présent du moins, l’épiscopat de ce pays n’a pas présenté la conquête du fameux Empire ainsi qu’une guerre sainte, la lutte du Bien contre le Mal. Rien n’est perdu. Car je dois vous dire le fond de ma pensée. Je crois à la guerre sainte, je la crois inévitable, je crois inévitable, dans un monde saturé de mensonge, la révolte des derniers hommes libres. Le mot de guerre sainte ne