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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/192

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LES GRANDS CIMETIÈRES

me convient d’ailleurs qu’à demi : les vrais saints font rarement la guerre, et quant aux autres — je veux dire ceux qui se flattent de l’être — Dieu me préserve d’affronter ma dernière chance au milieu de tels compagnons. Je crois à la guerre des hommes libres, à la guerre des hommes de bonne volonté. « Qu’est-ce que c’est que ça, direz-vous ; qu’est-ce que c’est que ces bêtes-là ? » J’appellerais volontiers hommes libres les gens qui ne demanderaient pas mieux que de vivre et mourir tranquilles, mais qui reprochent à votre civilisation colossale de bluffer la vie et la mort, d’en faire un objet de risée. Si vous ne comprenez pas, qu’importe ! Vous pouvez également ne pas prendre au sérieux des adversaires dispersés çà et là, au hasard de la volonté du Bon Dieu, et qui n’ont même pas l’air, à première vue, de se ressembler, car ils n’appartiennent assurément pas tous à la même classe, aux mêmes partis, et ils ne font pas tous leurs Pâques. Des hommes de bonne volonté ! Pourquoi pas des Doux, des Pacifiques ? Hé bien ! oui, je le crains. Je crains pour vous que ce ne soient justement des Doux, des Pacifiques, auxquels votre sacré monde ne vaut rien. Que voulez-vous ! Les pauvres diables sont nés dans l’atmosphère des Béatitudes et ils ne respirent pas bien dans le vôtre. Ils feront ce qu’ils pourront pour s’adapter parce qu’ils sentent leur solitude, ne se l’expliquent guère et sont toujours prêts à se donner tort, à entrer, faute de mieux, d’un autre asile, dans les mots que