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Page:Bernanos - Les Grands Cimetières sous la lune.pdf/98

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LES GRANDS CIMETIÈRES

Puisse l’Académie ouvrir au vétéran de la controverse, une retraite décente, pleine d’ombre et de silence, ornée des pâles fleurs de rhétorique, bien que nous eussions sincèrement préféré pour lui quelque humble jardin de presbytère provençal. L’admiration des imbéciles n’aura rien valu pour sa gloire. Il s’y est dissous comme une perle dans le vinaigre.

Le fait ne me semble nullement étrange. Après tout, n’importe lequel d’entre nous doit trouver, tôt ou tard, les ferments qui épuiseront sa résistance et ces ferments ne sont pas les mêmes pour tout le monde. L’auteur d’Antinéa doit compter plus de soixante-dix ans et à cet âge Dieu sait ce qui restera de moi, même si je tiens encore debout, car une extrême médiocrité permet seule de durer aussi longtemps que nos viscères, de mourir avec notre dernier souffle. J’ai souvent pensé que le destin d’un homme public peut être tenu pour clos dès que semblent arrêtées par avance, les formalités de ses obsèques. Or, j’en demande pardon à M. Maurras, nous savons désormais que les siennes seront une grande manifestation d’union nationale avec les habituels coryphées — M. Jean Renaud, M. Doriot, M. Taittinger, M. Bailby, M. Chiappe, M. Tardieu, d’autres encore. On y verra aussi des ombres : M. Jacques Piou, M. Déroulède, M. Clemenceau, que sais-je ? Pourquoi pas M. Ribot, M. Jonnart ! Mais on n’y verra pas Drumont ni Péguy — ni moi.