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DES JÉSUITES

hérent : assemblage d’horrifiques monstruosités. Non seulement il laisse bien en dessous tous les essais de ce genre, même cette mirifique et jubilante Histoire de saint Ignace et de saint Pierre, avec son Ite, capite, rapite super totam terram, dont un bien charmant homme, une crème de doyen, me fait chaque année les honneurs, avec un intarissable humour ; mais il est tellement chargé, poussé au noir absolu, que Zahorowski, pour atténuer apparemment l’effet, a cru prudent lui-même de revenir sur son chef d’œuvre et d’amortir un tantinet les teintes. L’édition de 1614 ne connaît plus cette anodine recommandation, qui couronnait le Monitum Quartum des manuscrits[1] ; « S’il prend goût aux Seigneurs de se révolter, que l’on suggère au Prince de les faire secrètement disparaître par le fer ou par le poison, et quant aux scrupules qui pourraient en résulter, qu’on les prévienne par de sages avis. »

Évidemment le faussaire s’était dit, ou bien on le lui avait fait comprendre, que l’invention surpassait toutes les limites de crédibilité connues jusqu’alors, même pour la sottise la plus… robuste.

En quoi il eut bien tort, assurément. Ce trait-là ne déparait point du tout le reste : il était fort bien en place, et le tableau n’est ni moins ni plus invraisemblable avec lui que sans lui. Exemple. N’est-ce pas précisément cette virulence et cette débauche même d’horreurs qui a déterminé plusieurs de nos contemporains à tenir l’œuvre pour authentique ? — « Ces canailleries-là ? » écrivait le pasteur Graeber en 1886, « mais précisément, c’est tout à fait jésuite ! » Voilà un de ces arrêts —

  1. Gretser, Op. cit. p. 990 D.