Page:Bernard - Brutus.djvu/20

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Par un maître cruel trop long-temps oppreſſez,
À la revolte enfin nous nous vîmes forcez.
La haine, les frayeurs, ou les ſoupçons d’un homme,
Etoient les ſeules loix qu’on reconnuſt dans Rome,
Des meilleurs citoyens l’éxil ou le trépas,
Cauſoient par tout des pleurs qui ne ſe montroient pas,
La vertu la plus haute étoit la plus coupable,
Et Brutus aujourd’huy ſi grand, ſi reſpectable,
Ne fut-il pas reduit à la neceſſité
D’emprunter les dehors de la ſtupidité ?
Dieux ! le ſoin d’un Heros, ſon étude éternelle
Fut de cacher une ame & trop noble, & trop belle.
Cependant les Romains vainement gemiſſans,
De toutes parts encore étoient obeïſſans.
Mais quand la tyrannie impunément maîtreſſe,
Crut pouvoir ſans peril attenter ſur Lucrece,
Ces Romains juſqu’alors eſclaves ſi ſoumis,
Pour venger la pudeur ſe crûrent tout permis.
Ainſi quand nous avons détruit cette Puiſſance,
L’amour des nouveautez, une injuſte licence,
À l’exil de Tarquin n’eurent aucune part ;
Rome s’eſt ſeulement affranchie un peu tard.

OCTAVIUS.

Par les bontez du Roy voyez vôtre injuſtice,
Tarquin qui des Romains doit chercher le ſuplice,
Vous offre encor la paix les armes à la main,
Je ne viens en ces lieux que dans ce ſeul deſſein.
Mais ſi vous refusez la paix qu’il vous propoſe,
Ce Roy le fer en main juſtifira ſa cauſe.
Déja de l’Etrurie il arme tous les bras,
Déja ſes vaſtes champs ſont couverts de ſoldats,
Et bien-toſt Porſenna contre un peuple rebelle
Va des fronts couronnez ſoûtenir la querelle.