Page:Bernard - Brutus.djvu/45

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Oüy, perdons un eſpoir qui ne me convient plus.
J’en pourois prendre encor en penſant à Titus.
Mais pourquoi n’oſer rien lorſque j’en ſuis aimée ?
Quand un fatal hymen tient ſon ame allarmée,
Je me tairai ? j’irai d’un rival odieux
Aprouver les tranſports à la face des Dieux ?
Non, tu n’as pas en vain découvert ta penſée,
Je préviendrai le coup dont tu m’as menacée ;
Mon cœur devient hardi par la crainte où l’a mis
Le tyrannique eſpoir que le tien s’eſt permis.
Ha ! ne balançons plus, allons dire à mon pere
Qu’en l’amour de Titus avec raiſon j’eſpere.
Il n’aura pû le voir, & mon pere aujourd’hui
Donne aux ſeuls conjurez un libre accés chez lui.
Qu’il me laiſſe parler, qu’il garde le ſilence,
Mes pleurs prés d’un Amant auront plus d’éloquẽce,
Et mieux que les raiſons ſçauront le penetrer.
Mais Dieux ! dans quel parti veux-je le faire entrer ?
Arreſte, ne ſuis point un tranſport qui t’abuſe.
Et que deviens-je, ô Ciel ! ſi Titus me refuſe,
S’il ſouffre cet hymen, que je ne trouve affreux,
Que parce que mon cœur a partagé ſes feux ?
Quand je l’adore, helas ! qu’il eſt cruel de craindre,
Qu’aprouvant ſon amour je ne trouve à m’en plaindre !
Il n’importe, évitons d’eſtre à Tiberinus.
Parlons. Mourons plutôt des refus de Titus.


Fin du ſecond Acte.