Page:Bernard - Brutus.djvu/47

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AQUILIE.

Hé bien, je vay parler ; c’eſt vous qui le voulez.
On cherche à rétablir les Tarquins exilez.
On conſpire ; & mon pere eſt Chef de l’entrepriſe.

TITUS.

Ay-je bien entendu ? Ciel ! quelle eſt ma ſurpriſe !
Quelle ſuite d’horreurs ! que de maux je prévoy !
Quel obſtacle ſe met entre Aquilie & moy !

AQUILIE.

Hélas ! ſi vous m’aimiez, vous auriez dû m’entendre.
Le projet étonnant, que je vous viens d’aprendre,
Loin de rompre des nœuds ſi doux, ſi pleins d’attraits,
Si vous le ſecondez, nous unit à jamais.
En livrant à Tarquin la porte Quirinale,
Vous vous affranchiſſez d’épouſer ma Rivale,
Tarquin maître en ces lieux, vous devra ſon retour,
Et mon pere à ce prix m’accorde à vôtre amour.
D’abord un tel projet m’avoit paru terrible.
Mais l’Amour à mes yeux l’a fait voir moins horrible.
Je tremble maintenant, je friſſonne d’effroy,
Qu’il ne ſoit vû de vous, autrement que de moy.
Eſt-ce un crime aprés tout, de remettre en ſa place
Un Roy, dont les malheurs ont merité la grace ?
Si ce parti, Seigneur, euſt bleſſé l’équité,
Juſqu’au dernier ſoûpir je l’aurois rejetté.

TITUS.

Non, non, Madame, non ; diſpoſez de ma vie,
Ordonnez qu’à l’inſtant je vous la ſacrifie ;
En vous obeïſſant mon ſort ſera trop doux ;
Mais malgré tout l’amour dont je brûle pour vous,
Je n’acheteray point un objet que j’adore,
Par une trahiſon que tout mon cœur abhorre.