Faut-il que mon bonheur me ſoit offert en vain ?
Faut-il que vôtre Amant refuſe vôtre main ?
Et pourquoy parliez-vous ? Ô jour que je deteſte !
Pourquoy l’ay-je arraché, ce ſecret ſi funeſte ?
Laiſſez-moy ce regret, il n’appartient qu’à moy.
Helas ! je prévoyois le coup que je reçoy.
J’en voulois épargner la honte à ma tendreſſe.
Tant que de mon ſecret j’eſtois encor maîtreſſe,
Pourquoy de vos refus ne me pas garentir ?
Ils étoient moins cruels à prévoir, qu’à ſentir.
Non, je n’ay point douté de vôtre ingratitude,
Et je n’en puis ſouffrir la triſte certitude.
Madame, ces refus n’ont point dû vous bleſſer.
Ce n’eſt qu’au ſeul Tarquin qu’ils peuvent s’adreſſer.
Voulez-vous que l’Amour dans le crime m’engage ?
Si j’ay quelques vertus, elles ſont vôtre ouvrage.
Quel honteux changement ! & quel prodige enfin
Que le fils de Brutus qui ſerviroit Tarquin !
Seigneur Tiberinus vôtre ſang, vôtre frere,
Vôtre Rival enfin, conſpire avec mon pere.
Tiberinus conſpire ! & ſur quel vain eſpoir
Vouloit-on m’engager dans un crime ſi noir ?
Sans doute à ſon amour votre main eſt acquiſe,
À ce prix ſeulement, il eſt de l’entrepriſe.
L’Amour n’eſt point entré dans ſon engagement,
Il ſervoit les Tarquins avant que d’eſtre Amant ;
Mais le lien étroit qui l’attache à mon pere
Fait que ſur mon hymen, il n’eſt rien qu’il n’espere,