Page:Bernard - Brutus.djvu/48

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Faut-il que mon bonheur me ſoit offert en vain ?
Faut-il que vôtre Amant refuſe vôtre main ?
Et pourquoy parliez-vous ? Ô jour que je deteſte !
Pourquoy l’ay-je arraché, ce ſecret ſi funeſte ?

AQUILIE.

Laiſſez-moy ce regret, il n’appartient qu’à moy.
Helas ! je prévoyois le coup que je reçoy.
J’en voulois épargner la honte à ma tendreſſe.
Tant que de mon ſecret j’eſtois encor maîtreſſe,
Pourquoy de vos refus ne me pas garentir ?
Ils étoient moins cruels à prévoir, qu’à ſentir.
Non, je n’ay point douté de vôtre ingratitude,
Et je n’en puis ſouffrir la triſte certitude.

TITUS.

Madame, ces refus n’ont point dû vous bleſſer.
Ce n’eſt qu’au ſeul Tarquin qu’ils peuvent s’adreſſer.
Voulez-vous que l’Amour dans le crime m’engage ?
Si j’ay quelques vertus, elles ſont vôtre ouvrage.
Quel honteux changement ! & quel prodige enfin
Que le fils de Brutus qui ſerviroit Tarquin !

AQUILIE.

Seigneur Tiberinus vôtre ſang, vôtre frere,
Vôtre Rival enfin, conſpire avec mon pere.

TITUS.

Tiberinus conſpire ! & ſur quel vain eſpoir
Vouloit-on m’engager dans un crime ſi noir ?
Sans doute à ſon amour votre main eſt acquiſe,
À ce prix ſeulement, il eſt de l’entrepriſe.

AQUILIE.

L’Amour n’eſt point entré dans ſon engagement,
Il ſervoit les Tarquins avant que d’eſtre Amant ;
Mais le lien étroit qui l’attache à mon pere
Fait que ſur mon hymen, il n’eſt rien qu’il n’espere,