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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

seulement dans leurs conditions d’existence. Mais cette connaissance nous suffit pour étendre notre puissance sur la nature. Nous pouvons produire ou empêcher l’apparition des phénomènes, quoique nous en ignorions l’essence, par cela seul que nous pouvons régler leurs conditions physico-chimiques. Nous ignorons l’essence du feu, de l’électricité, de la lumière, et cependant nous en réglons les phénomènes à notre profit. Nous ignorons complètement l’essence même de la vie, mais nous n’en réglerons pas moins les phénomènes vitaux dès que nous connaîtrons suffisamment leurs conditions d’existence. Seulement dans les corps vivants ces conditions sont beaucoup plus complexes et plus délicates à saisir que dans les corps bruts ; c’est là toute la différence.

En résumé, si notre sentiment pose toujours la question du pourquoi, notre raison nous montre que la question du comment est seule à notre portée ; pour le moment, c’est donc la question du comment qui seule intéresse le savant et l’expérimentateur. Si nous ne pouvons savoir pourquoi l’opium et ses alcaloïdes font dormir, nous pourrons connaître le mécanisme de ce sommeil et savoir comment l’opium et ses principes font dormir ; car le sommeil n’a lieu que parce que la substance active va se mettre en contact avec certains éléments organiques qu’elle modifie. La connaissance de ces modifications nous donnera le moyen de produire le sommeil ou de l’empêcher, et nous pourrons agir sur le phénomène et le régler à notre gré.

Dans les connaissances que nous pouvons acquérir