Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
de l’expérimentation chez les êtres vivants.

ainsi que nous l’avons dit, à la mobilité et à la fugacité des phénomènes de la vie. C’est là une cause de la spontanéité et de la mobilité dont jouissent les êtres vivants, et c’est une circonstance qui rend les propriétés des corps organisés très difficiles à fixer et à étudier. Il importe de revenir ici un instant sur la nature de ces difficultés, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire souvent dans mes cours[1].

Pour tout le monde un corps vivant diffère essentiellement dès l’abord d’un corps brut au point de vue de l’expérimentation. D’un côté, le corps brut n’a en lui aucune spontanéité ; ses propriétés s’équilibrant avec les conditions extérieures, il tombe bientôt, comme on le dit, en indifférence physico-chimique, c’est-à-dire dans un équilibre stable avec ce qui l’entoure. Dès lors toutes les modifications de phénomènes qu’il éprouvera proviendront nécessairement de changements survenus dans les circonstances ambiantes, et l’on conçoit qu’en tenant compte exactement de ces circonstances, on soit sûr de posséder les conditions expérimentales qui sont nécessaires à la conception d’une bonne expérience. Le corps vivant, surtout chez les animaux élevés, ne tombe jamais en indifférence chimico-physique avec le milieu extérieur, il possède un mouvement incessant, une évolution organique en apparence spontanée et constante, et, bien que cette évolution ait besoin des circonstances extérieures pour se manifester, elle en est cependant

  1. Cl. Bernard, Leçons sur les propriétés physiologiques et les altérations pathologiques des liquides de l’organisme. Paris, 1859, t. I. Leçon d’ouverture, 9 décembre 1867.