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applications de la méthode expérimentale.

on fait des expériences pour voir, et ensuite on se guide d’après ce qu’on a vu.

Quatrième exemple. — En 1845, M. Pelouze me remit une substance toxique appelée curare qui lui avait été rapportée d’Amérique. On ne connaissait alors rien sur le mode d’action physiologique de cette substance. On savait seulement, d’après d’anciennes observations et par les relations intéressantes d’Alex. de Humboldt, de MM. Boussingault et Roulin, que cette substance d’une préparation complexe et difficile à déterminer tue très rapidement un animal quand on l’introduit sous la peau. Mais je ne pouvais point par les observations antérieures me faire une idée préconçue sur le mécanisme de la mort par le curare, il me fallait avoir pour cela des observations nouvelles relatives aux troubles organiques que ce poison pouvait amener. Dès lors je provoquai l’apparition de ces observations, c’est-à-dire que je fis des expériences pour voir des choses sur lesquelles je n’avais aucune idée préconçue. Je plaçai abord du curare sous la peau d’une grenouille, elle mourut après quelques minutes ; aussitôt je l’ouvris et j’examinai successivement, dans cette autopsie physiologique, ce qu’étaient devenues les propriétés physiologiques connues des divers tissus. Je dis à dessein autopsie physiologique parce qu’il n’y a que celles-là qui soient réellement instructives. C’est la disparition des propriétés physiologiques qui explique la mort et non pas les altérations anatomiques. En effet, dans l’état actuel de la science, nous voyons les propriétés physiologiques disparaître dans une foule de cas