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applications de la méthode expérimentale.

d’après mes recherches, que le suc pancréatique ne renfermait pas d’albumine, mais contenait de la pancréatine, qui est une matière distincte de l’albumine. Je montrai mes expériences à Magendie en lui faisant remarquer que nous étions en désaccord sur la conclusion, mais que nous étions cependant d’accord sur le fait que le suc pancréatique était coagulable par la chaleur ; mais seulement il y avait d’autres caractères nouveaux que j’avais vus qui m’empêchaient de conclure à la présence de l’albumine. Magendie me répondit : « Cette dissidence entre nous vient de ce que j’ai conclu plus que je n’ai vu ; si j’avais dit simplement : Le suc pancréatique est un liquide coagulable par la chaleur, je serais resté dans le fait et j’aurais été inattaquable. » Cet exemple que j’ai toujours retenu me paraît bien fait pour montrer combien peu il faut attacher de valeur aux mots en dehors des faits qu’ils représentent. Ainsi le mot albumine ne signifie rien par lui-même ; il nous rappelle seulement des caractères et des phénomènes. En étendant cet exemple à la médecine, nous verrions qu’il en est de même et que les mots fièvre, inflammation, et les noms des maladies en général, n’ont aucune signification par eux-mêmes.

Quand on crée un mot pour caractériser un phénomène, on s’entend en général à ce moment sur l’idée qu’on veut lui faire exprimer et sur la signification exacte qu’on lui donne, mais plus tard, par les progrès de la science, le sens du mot change pour les uns, tandis que pour les autres le mot reste dans le langage avec sa signification primitive. Il en résulte alors une discordance