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obstacles que rencontre la méd. expérimentale.

là une œuvre d’art d’un genre singulier, cette œuvre lui sera toujours fortement disputée par la nature. Quand un grand peintre ou un grand sculpteur font un beau tableau ou une magnifique statue, personne n’imagine que la statue ait pu pousser de la terre ou que le tableau ait pu se faire tout seul, tandis qu’on peut parfaitement soutenir que la maladie a guéri toute seule et prouver souvent qu’elle aurait mieux guéri sans l’intervention de l’artiste. Que deviendra donc alors le critérium ou l’œuvre de l’art médical ? Le critérium disparaîtra évidemment, car on ne saurait juger le mérite d’un médecin par le nombre des malades qu’il dit avoir guéris ; il devra avant tout prouver scientifiquement que c’est lui qui les a guéris et non la nature. Je n’insisterai pas plus longtemps sur cette prétention artistique des médecins qui n’est pas soutenable. Le médecin ne peut être raisonnablement qu’un savant ou, en attendant, un empirique. L’empirisme, qui au fond veut dire expérience (ἐμπειρία : expérience), n’est que l’expérience inconsciente ou non raisonnée, acquise par l’observation journalière des faits d’où naît la méthode expérimentale elle-même (voy. p. 41). Mais, ainsi que nous le verrons encore dans le paragraphe suivant, l’empirisme, pris dans son vrai sens, n’est que le premier pas de la médecine expérimentale. Le médecin empirique doit tendre à la science, car si, dans la pratique, il se détermine souvent d’après le sentiment d’une expérience inconsciente, il doit toujours au moins se diriger d’après une induction fondée sur une instruction médicale aussi solide que possible. En un mot, il n’y a