Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II

De l’idée à priori et du doute dans le raisonnement expérimental.

Chaque homme se fait de prime abord des idées sur ce qu’il voit, et il est porté à interpréter les phénomènes de la nature par anticipation, avant de les connaître par expérience. Cette tendance est spontanée ; une idée préconçue a toujours été et sera toujours le premier élan d’un esprit investigateur. Mais la méthode expérimentale a pour objet de transformer cette conception à priori fondée sur une intuition ou un sentiment vague des choses, en une interprétation à posteriori établie sur l’étude expérimentale des phénomènes. C’est pourquoi on a aussi appelé la méthode expérimentale, la méthode à posteriori.

L’homme est naturellement métaphysicien et orgueilleux ; il a pu croire que les créations idéales de son esprit qui correspondent à ses sentiments représentaient aussi la réalité. D’où il suit que la méthode expérimentale n’est point primitive et naturelle à l’homme, et que ce n’est qu’après avoir erré longtemps dans les discussions théologiques et scolastiques qu’il a fini par reconnaître la stérilité de ses efforts dans cette voie. L’homme s’aperçut alors qu’il ne peut dicter des lois à la nature, parce qu’il ne possède pas en