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de l’idée à priori et du doute.

lui-même la connaissance et le critérium des choses extérieures, et il comprit que, pour arriver à la vérité, il doit, au contraire, étudier les lois naturelles et soumettre ses idées, sinon sa raison, à l’expérience, c’est-à-dire au critérium des faits. Toutefois, la manière de procéder de l’esprit humain n’est pas changée au fond pour cela. Le métaphysicien, le scolastique et l’expérimentateur procèdent tous par une idée à priori. La différence consiste en ce que le scolastique impose son idée comme une vérité absolue qu’il a trouvée, et dont il déduit ensuite par la logique seule toutes les conséquences. L’expérimentateur, plus modeste, pose au contraire son idée comme une question, comme une interprétation anticipée de la nature, plus ou moins probable, dont il déduit logiquement des conséquences qu’il confronte à chaque instant avec la réalité au moyen de l’expérience. Il marche ainsi des vérités partielles à des vérités plus générales, mais sans jamais oser prétendre qu’il tient la vérité absolue. Celle-ci, en effet, si on la possédait sur un point quelconque, on l’aurait partout ; car l’absolu ne laisse rien en dehors de lui.

L’idée expérimentale est donc aussi une idée à priori, mais c’est une idée qui se présente sous la forme d’une hypothèse dont les conséquences doivent être soumises au critérium expérimental afin d’en juger la valeur. L’esprit de l’expérimentateur se distingue de celui du métaphysicien et du scolastique par la modestie, parce que, à chaque instant, l’expérience lui donne la conscience de son ignorance relative et absolue. En in-