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du raisonnement expérimental.

son principe est incertain, puisqu’il est inconscient et non adéquat à l’esprit ; dès lors les déductions, quoique très logiques, restent toujours douteuses, et il faut nécessairement alors invoquer l’expérience pour contrôler la conclusion de ce raisonnement déductif. Cette différence entre les mathématiciens et les naturalistes est capitale au point de vue de la certitude de leurs principes et des conclusions à en tirer ; mais le mécanisme du raisonnement déductif est exactement le même pour les deux. Tous deux partent d’une proposition ; seulement le mathématicien dit : Ce point de départ étant donné, tel cas particulier en résulte nécessairement. Le naturaliste dit : Si ce point de départ était juste, tel cas particulier en résulterait comme conséquence.

Quand ils partent d’un principe, le mathématicien et le naturaliste emploient donc l’un et l’autre la déduction. Tous deux raisonnent en faisant un syllogisme ; seulement, pour le naturaliste, c’est un syllogisme dont la conclusion reste dubitative et demande vérification, parce que son principe est inconscient. C’est là le raisonnement expérimental ou dubitatif, le seul qu’on puisse employer quand on raisonne sur les phénomènes naturels ; si l’on voulait supprimer le doute et si l’on se passait de l’expérience, on n’aurait plus aucun critérium pour savoir si l’on est dans le faux ou dans le vrai, parce que, je le répète, le principe est inconscient et qu’il faut en appeler alors à nos sens.

De tout cela je conclurai que l’induction et la déduction appartiennent à toutes les sciences. Je ne crois pas