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du raisonnement expérimental.

élevées. Bacon a senti la stérilité de la scolastique ; il a bien compris et pressenti toute l’importance de l’expérience pour l’avenir des sciences. Cependant Bacon n’était point un savant, et il n’a point compris le mécanisme de la méthode expérimentale. Il suffirait de citer, pour le prouver, les essais malheureux qu’il en a faits. Bacon recommande de fuir les hypothèses et les théories[1] ; nous avons vu cependant que ce sont les auxiliaires de la méthode, indispensables comme les échafaudages sont nécessaires pour construire une maison. Bacon a eu, comme toujours, des admirateurs outrés et des détracteurs. Sans me mettre ni d’un côté ni de l’autre, je dirai que, tout en reconnaissant le génie de Bacon, je ne crois pas plus que J. de Maistre[2], qu’il ait doté l’intelligence humaine d’un nouvel instrument, et il me semble, avec M. de Rémusat[3], que l’induction ne diffère pas du syllogisme. D’ailleurs je crois que les grands expérimentateurs ont apparu avant les préceptes de l’expérimentation, de même que les grands orateurs ont précédé les traités de rhétorique. Par conséquent, il ne me paraît pas permis de dire, même en parlant de Bacon, qu’il a inventé la méthode expérimentale ; méthode que Galilée et Torricelli ont si admirablement pratiquée, et dont Bacon n’a jamais pu se servir.

Quand Descartes[4] part du doute universel et répudie

  1. Bacon, Œuvres, édition par Fr. Riaux, Introduction, p. 30.
  2. J. de Maistre, Examen de la philosophie de Bacon.
  3. De Rémusat, Bacon, sa vie, son temps et sa philosophie, 1857.
  4. Descartes, Discours sur la méthode.