Page:Bernard - Laodamie, reine d’Épire.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De ſon hymen remis la ſubite nouvelle
Lui mettoit dans les yeux une douleur mortelle ;
Il ignoroit encor qu’on le vouloit pour Roi :
J’ai voulu le lui dire, & l’ai tû malgré moi.
Trop timide j’ai craint en le faiſant entendre,
De marquer l’interêt que l’amour m’y fait prendre.

ARGIRE.

Parlez, Madame ; un Trône a des charmes trop doux,
Et vous verrez bientôt Gelon à vos genoux.
Sacrifiroit-il tout pour un amour frivole :
Du Trône ou de l’amour, c’eſt l’amour qu’on immole ;
Il vaut mieux être Roi qu’être parfait Amant.

LA REINE.

Quoi donc ! il m’aimeroit pour regner ſeulement ?
Ah ! ſi ſa paſſion pour moi n’eſt pas ſincere,
Je ſçaurai démêler un ſi faux caractere ;
Non, ſi le Trône ſeul eſt l’objet de ſes vœux,
Qu’il ne s’attende point d’être jamais heureux.
Que dis-je ? en ſuis-je donc à ces délicateſſes ?
Ce cœur qui de l’amour ſent toutes les foibleſſes,
Pourroit de cet Amant refuſer les ſoupirs,
Parce qu’une Couronne aideroit ſes déſirs ?