Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/30

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Moi. Voyons donc ce redoutable feuilleton. Et après l’avoir lu tout entier :

Je ne trouve point, lui dis-je, que j’aie tant à m’en plaindre. D’abord il commence par me blâmer, et finit par me louer. Celui qui veut nuire fait précisément le contraire : il loue au commencement, et blâme à la fin. Le premier paroît un ennemi impartial qui est forcé enfin de reconnoître vos bonnes qualités ; le second semble être un ami équitable qui ne demande qu’à vous louer, mais qui est contraint ensuite d’avouer vos défauts, par le sentiment de la justice. L’un et l’autre savent bien que la dernière impression est la seule qui reste dans la tête du lecteur. C’est le dernier coup de la cloche qui la fait long-temps vibrer.

Mon ami. Permettez-moi de vous dire que tout journaliste qui condamne une opinion ou même qui la loue est tenu de motiver sa critique ou son éloge. Bayle est là-dessus un vrai modele. Lorsqu’il réfute une erreur, il y supplée la vérité. Tout critique qui se conduit autrement est ou ignorant ou de mauvaise foi. Le vôtre est à la fois l’un et l’autre.

Moi. Oh ! cela est trop fort : il ne me blâme que sur le fond des choses qu’il n’entend pas, et peut-être qu’on le charge de blâmer ; mais il me loue de bonne foi sur le style. Il dit positivement que je suis un des plus grands écrivains du siecle.

Mon ami. Voilà un bel éloge.