Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/76

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mamelles qui répandent de toutes parts des pluies fécondantes ; les cavernes profondes de leurs flancs sont des urnes d’où elles versent les fleuves qui fertilisent les campagnes jusqu’aux bords de l’Océan leur pere, et invitent les navigateurs à aborder sur ces mêmes rivages dont elles étoient l’épouvante dans les temps de leur origine.

Chaque siecle diminue l’empire de l’Océan tempétueux, et accroît celui de la terre paisible : voyez seulement les collines qui bordent de part et d’autre nos vallées ; elles portent à leurs contours saillants les empreintes des dégradations des fleuves qui remplissoient jadis de leurs eaux tout l’intervalle qui les sépare. Le sol même des vallées et de leurs couches horizontales, ainsi que les coquillages fluviatiles disséminés dans toute sa largeur attestent qu’il a été formé sous les eaux. Mais jettez les yeux sur les terres les plus élevées de notre hémisphere ; l’antique Scandinavie, séparée autrefois de la Norwege et du continent par de bruyants détroits qui communiquoient de la mer Glaciale à la mer Baltique, a cessé d’être une isle. J’ai marché moi-même dans le fond de leurs bassins de granit ; la mer Baltique, où j’ai navigué, baisse d’un pouce tous les quarante ans : on voit des diminutions semblables dans les mers de l’hémisphere austral. La nouvelle Hollande dont les montagnes escarpées s’élevent au-dessus des nuages, étend aujourd’hui ses flancs sablonneux au-dessus des flots ; elle montre