Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/101

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de religieuse. Elle ne ressemblait surtout pas à ce vilain milieu dans lequel nous étions et dont il fallait tout au plus excepter dix personnes.

Les garçons se tenaient en peloton serré prés des fenêtres, ils riaient et faisaient des réflexions d’un goût douteux, je crois.

La porte s’ouvrit ; une jeune fille très rouge et un jeune homme écarlate venaient de réciter leur scène. Chacun d’eux se rendit vers les siens, papotant, jasant, se plaignant l’un de l’autre.

Un nom fut appelé : Mlle Dica-Petit. Et je vis une grande jeune fille, blonde, distinguée, s’avancer sans embarras. Elle s’arrêta pour embrasser une jolie femme grasse, blanche, rose et toute pomponnée. « N’aie pas peur, maman chérie… », puis elle dit une phrase en hollandais et elle disparut, suivie d’un garçon et d’une petite maigrelette qui devaient lui donner la réplique. Ce détail me fut expliqué par Léautaud, qui faisait l’appel des élèves et prenait le nom des récitants et des répliquants.

Je ne savais rien de cela. Qui donc me donnerait la réplique pour Agnès ? Il m’indiqua plusieurs jeunes gens, mais je l’arrêtai : « Non, non. Monsieur, je ne veux pas demander cela à personne. Je ne connais personne. Je ne veux pas ! — Alors, qu’est-ce que vous direz, Mademoiselle ? répliqua Léautaud avec un accent fouchtra des plus prononcés. — Je dirai une fable. »

Il pouffa de rire en écrivant mon nom et le titre : Les Deux Pigeons, que je lui indiquai comme fable.

Je l’entendais ronronner encore dans sa grosse moustache pendant qu’il continuait sa tournée. Puis je le vis rentrer dans la salle du Conservatoire.

Je commençais à m’enfiévrer. J’inquiétais Guérard,