changer mes idées, je dis à « mon petit’dame » : « Tu me trouverais jolie, dis, si tu me voyais pour la première fois ? — Oh ! oui, dit-elle vivement. — Tant mieux ! car il faut que ce vieux préfet me trouve jolie, j’ai tant de choses à lui demander. »
Quelle ne fut pas ma surprise en reconnaissant le lieutenant devenu capitaine et préfet de police. Mon nom, lancé par l’huissier de service, le fit bondir de son fauteuil ; et c’est les deux mains tendues, le visage rieur, qu’il s’avança vers moi. « Hein ? vous m’aviez oublié ? » me dit-il. Et il salua d’un bonjour amical Mme Guérard.
« Mais je ne croyais pas que c’était vous, et j’en suis bien heureuse ; vous allez m’accorder tout ce que je veux. — Voyez-vous cela ! fit-il en éclatant de rire. Eh bien, ordonnez. Madame ! — Voilà : Je veux du pain, du lait, de la viande, des légumes, du sucre, du vin, de l’eau-de-vie, des pommes de terre, des œufs, du café... débitai-je d’une seule haleine. — Ah ! laissez-moi respirer ! s’écria le préfet-comte. Vous parlez si vite, que cela m’étouffe. »
Je m’arrêtai et repris une seconde après : « J’ai installé une ambulance à l’Odéon ; mais, comme je suis une ambulance militaire, la municipalité me refuse des vivres. J’ai déjà cinq blessés, je parviens à m’en tirer ; mais on m’annonce d’autres blessés, et il va falloir les nourrir.
— Vous serez servie au delà de vos désirs. Il y a dans le palais des vivres préparés par la malheureuse impératrice pour de longs mois ; je vais vous envoyer tout cela, sauf la viande, le pain et le lait ; mais pour cela, je vais faire donner des ordres pour que votre ambulance soit comprise dans le service municipal, quoique vous soyez ambulance militaire. Puis, voici un bon pour