chambre pour nous deux. J’invitai Mlle Chesneau à se coucher et je dormis toute vêtue, dans un fauteuil.
Le matin venu, je m’informai pour prendre le train qui conduisait au Cateau ; mais il me fut répondu qu’il n’y avait pas de train.
Il nous fallut faire des prodiges pour avoir une voiture. Enfin, le docteur Meunier (ou Mesnier...) consentit à nous prêter un cabriolet à deux roues. C’était déjà cela ; mais pas de cheval. Le pauvre docteur avait eu son cheval réquisitionné par les ennemis.
Ce fut un charron qui me loua, à prix d’or, un poulain qui n’avait jamais été attelé et qui fut pris d’une crise de folie quand on le mit sous le harnais. La pauvre petite bête, fouaillée d’importance, se calma, mais changea sa folie en abrutissement.
Debout sur ses quatre jambes qui tremblaient de fureur, le poulain refusa d’avancer. Le cou tendu vers la terre, l’œil fixe, les narines dilatées, il ne bougea pas plus qu’un pieu fixé en terre. Alors, deux hommes se mirent à tenir la frêle voiture ; par derrière le licol lui fut retiré ; il s’ébroua un instant, secoua sa tête et, se croyant libre, sans entraves, il se mit à marcher. Les hommes retenaient à peine la voiture. Il envoya deux petites ruades et se mit à trotter. Oh ! un bien petit trot. Alors, un gamin l’arrêta ; on lui donna des carottes ; on lui caressa la crinière ; et le licol lui fut remis. Il s’arrêta subitement.
Le gamin avait sauté dans le cabriolet et, tenant légèrement les rênes, il l’encouragea de la voix à reprendre sa marche. Le poulain essaya timidement et, ne sentant pas de résistance, il se mit à trottiner pendant un quart d’heure et revint nous trouver à la porte de l’hôtel.