Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/314

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contai ma mésaventure en sanglotant nerveusement.

Il télégraphia de suite pour que ma valise fût remise entre les mains du chef de gare de la première station, avec ma malle. « Vous la retrouverez demain, vers midi, me dit-il. — Alors, je ne peux pas partir ce soir ? — Mais non, c’est impossible, il n’y a aucun train. L’express qui vous conduira à Hombourg ne repart que demain matin. — Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! » Et je fus prise d’un véritable désespoir, qui gagna Mlle Chesneau.

Le malheureux chef se trouvait assez embarrassé. Il essaya de me calmer : « Connaissez-vous quelqu’un ici ? me dit-il. — Mais non, personne. Je ne connais personne à Cologne. — Eh bien, je vais vous conduire à l’Hôtel du Nord, où ma belle-sœur est descendue depuis deux jours. Elle s’occupera de vous. » Une demi-heure après, sa voiture étant arrivée, il nous conduisit à l’Hôtel du Nord, en nous faisant faire un grand détour pour me montrer la ville. Mais je n’admirais rien des Allemands à cette époque.

Arrivés à l’Hôtel du Nord, il nous présenta à sa belle-sœur, une jeune femme blonde, jolie, mais trop grande, trop forte pour mon goût. Je dois dire qu’elle fut douce et affable. Elle me fit retenir deux chambres près de son appartement. Elle habitait le rez-de-chaussée. Elle nous invita à dîner et fit servir dans son salon.

Son beau-frère vint nous rejoindre le soir. La charmante femme était très musicienne ; elle joua du Berlioz, du Gounod, et même Auber… Je goûtais infiniment la délicatesse de cette femme, qui ne me faisait entendre que des compositeurs français. Je lui demandai de jouer du Mozart et du Wagner. À ce nom, elle se tourna vers moi : « Vous aimez Wagner ? — J’aime sa musique, mais je déteste l’homme. » Mlle Chesneau me souffla