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Page:Bernhardt - Mémoires, ma double vie, 1907.djvu/315

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tout bas : « Demandez-lui de jouer Liszt. » Elle avait entendu et s’exécuta avec une bonne grâce infinie. Je passai, je l’avoue, une soirée délicieuse.

A dix heures, le chef de gare (c’est stupide, je ne peux plus me rappeler son nom, et je ne le trouve dans aucune de mes notes), le chef de gare me dit qu’il viendrait nous prendre le lendemain matin à huit heures, et prit congé de nous.

Je m’endormis, bercée par Mozart, Gounod, etc…

A huit heures, le lendemain, un domestique vint me prévenir que la voiture nous attendait. Un toc-toc léger à ma porte, et notre belle hôtesse de la veille nous dit gentiment : « Allons, en route ! »

Je fus vraiment très touchée par la délicatesse de cette jolie Allemande.

Il faisait si beau que je lui demandai si nous avions le temps d’aller à pied. Et sur sa réponse affirmative, nous partîmes toutes les trois vers la gare, qui se trouve du reste assez près de l’hôtel. Un wagon privé m’attendait, et nous nous installâmes de notre mieux. Le frère et la sœur nous serrèrent la main en nous souhaitant un heureux voyage.

Le train partit. J’entrevis dans un coin un bouquet de myosotis avec la carte de la jeune femme, et une boîte de chocolat offerte par le chef de gare.

J’allais arriver enfin au but de mon voyage. J’étais dans une situation folle. Revoir tous ces êtres aimés ! J’aurais voulu dormir. Je ne le pouvais pas. Mes yeux agrandis par l’anxiété dévoraient les espaces plus vite que la marche du train. Je maudissais les arrêts. J’enviais les oiseaux que je voyais passer. Je riais de joie en évoquant les visages surpris des êtres que j’allais revoir, puis je tremblais d’angoisse : Qu’était-il arrivé ?